Katsugen Undō et hypnose ericksonienne : l’art du laisser-faire
Il y a 15 ans, je tombais par hasard sur un article écrit par Denis Emonet sur ce qu’il appelait l’intelligence instinctive. Dans ce texte, Denis évoquait un médecin japonais, Haruchika Noguchi (1911-1976), qui avait découvert de manière empirique une pratique singulière : le Katsugen Undō.
Noguchi affirmait que le corps possédait une capacité naturelle d’auto-ajustement, lui permettant de retrouver santé et équilibre, tant sur le plan physique qu’émotionnel et mental — à condition de ne pas entraver ce processus.
Intrigué, je suis entré en contact avec Denis Emonet. Nous avons beaucoup échangé, et je lui ai proposé de réunir suffisamment de personnes intéressées pour organiser à Paris son premier stage de formation. C’est ainsi que j’ai découvert avec lui l’art du Katsugen Undō.
Denis était un élève direct d’Itsuo Tsuda, lui-même disciple de Noguchi. Cette filiation directe donnait à son enseignement une authenticité particulière.
Le choc de la découverte : apprendre à « ne rien faire »
Ce stage m’a profondément marqué. Nous y apprenions à stopper le « faire », pour entrer dans une forme de « non-faire », un espace où le corps se met en mouvement de lui-même.
Les gestes qui apparaissaient étaient parfois très subtils, presque imperceptibles : une respiration qui change, un micro-balancement, un étirement involontaire… Parfois, au contraire, ils devenaient amples, comme si le corps cherchait à se libérer d’une tension accumulée.
Le principe était toujours le même : laisser faire le corps.
-
Pas de protocole.
-
Pas de mouvement imposé.
-
Pas d’objectif à atteindre.
Juste la confiance que le corps sait mieux que nous ce dont il a besoin pour se réajuster.
Qu’est-ce que le Katsugen Undō ?
En japonais, Katsugen Undō (活元運動) signifie littéralement « mouvement régénérateur ».
Développée dans le cadre du Seitai par Haruchika Noguchi, cette pratique repose sur une conviction simple :
👉 le corps possède une intelligence involontaire qui régule en permanence la respiration, la posture, la circulation des fluides, et qui tend naturellement vers l’équilibre.
Le problème, c’est que notre mode de vie, nos habitudes et surtout notre mental viennent souvent interférer avec ce processus. Le Katsugen Undō vise à désencombrer ces interférences pour laisser à nouveau place à l’autorégulation.
Comment ça se pratique ?
Lorsque l’on apprend le Katsugen Undō, il y a une phase d’amorçage qui se fait à deux. Une personne pose la main sur notre dos et fait yuki.
Yuki est très difficile à traduire dans notre langue française. Ce n’est pas un transfert d’énergie — il n’y a aucune notion d’énergie ici. On parle plutôt de souffle. On respire dans la main qui touche le dos, et par ce toucher, qui ressemble à l’état d’esprit d’une mère douce posant une main sur le dos de son enfant pour l’apaiser, le corps « comprend » qu’il peut enfin ne rien faire.
Et ensuite, on ne fait rien.
Et dans ce rien, tout peut se passer :
-
Parfois le corps reste immobile.
-
Parfois il bouge, lentement ou par mouvements répétitifs.
-
Parfois on sent des vagues de chaleur,
-
Parfois on baille, on pleure, on rit…
Cela dure quelques minutes et « ça » s’arrête de lui-même.
Quand on pratique seul, il existe aussi une manière d’amorcer ce travail, mais elle est beaucoup plus difficile à décrire — notre langage ne contient pas de mots capables de traduire certains termes japonais.
L’écho avec l’hypnose ericksonienne
Cette pratique a profondément influencé ma manière d’accompagner mes clients en hypnose ericksonienne.
On retrouve chez Milton Erickson la même philosophie : chaque personne possède déjà en elle les ressources nécessaires pour résoudre ses difficultés. L’hypnose ne sert pas à imposer une solution, mais à créer l’espace où l’inconscient peut faire émerger ses propres ajustements.
Ma formation au Katsugen Undō m’a appris l’art du laisser-faire. C’est cette même approche que j’intègre dans mes séances d’hypnose ericksonienne : permettre à l’inconscient et au corps de trouver leurs propres ajustements.
Pendant longtemps, des confrères m’ont demandé comment je faisais pour « réussir » certaines séances. Je n’avais pas de réponse claire. Je ne suivais pas de protocole particulier, je ne faisais rien qui ressemblait à une technique apprise en formation.
Un ami, familier du Katsugen Undō, m’a un jour soufflé :
👉 « Ce que tu fais, c’est du Katsugen Undō mental. Tu offres à tes clients un espace où leur propre inconscient peut se réajuster spontanément. Tu fais du Yuki cognitif par ta présence. »
Cette remarque a mis des mots sur ce que je pressentais : au fond, que ce soit dans le mouvement corporel ou dans le travail hypnotique, le plus grand changement se produit quand on cesse de vouloir contrôler.
Conclusion : la puissance du laisser-faire
Le Katsugen Undō m’a appris à faire confiance au corps. L’hypnose ericksonienne m’a appris à faire confiance à l’inconscient. Ces deux chemins mènent à la même évidence :
👉 la vie en nous sait déjà comment retrouver l’équilibre.
Notre rôle, que ce soit dans la pratique personnelle ou dans l’accompagnement, est simplement d’ouvrir l’espace, de créer les conditions… et de laisser faire.